lu sur l'excellent forum M194, par Dan
les pièces à conviction
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Voici l'histoire d'un Harrier devenu rose (de confusion ?)
C'était en octobre ou en novembre 1976, je ne me souviens plus très bien. Un échange Escadrons avait été organisé entre le 1/2 et le N°1 Sqn de Wittering. Donc nos amis anglais envoyaient quatre Harrier (deux GR.1, un GR.3 (la toute nouvelle version à l'époque) et un biplace T.2). Le 1/2 pour sa part envoyait quatre IIIE à Wittering, c'est lui qui recevait mais, le 1/2 étant amputé de quatre avions, c'est le 3/2 qui assurait la plupart de l'animation aérienne. Quant au 2/2, il mettait à disposition ses biplaces pour que les pilotes britanniques découvrent les caractéristiques de vol du Mirage III. Voici donc le tableau brossé. L'échange devait durer une semaine.
Pas de chance, à l'arrivée le biplace T.2 a fait un atterrissage un peu dur et a cassé quelque chose (au niveau de la quille inférieure si je me souviens bien) ; donc, il était indisponible et fut vite rentré dans un hangar où il devait rester jusqu'à être dépanné.
Qu'à cela ne tienne, les pièces devraient logiquement arriver assez vite. L'échange s'est déroulé cordialement, pour ne pas dire amicalement, dans les premiers jours. Nous avons fait connaissance avec nos camarades anglais. A l'époque la RAF était en pleine restructuration, déflation d'effectifs comme on disait, un des contrôleurs envoyé avec ce détachement était un ancien pilote de HS Andover qui n'avait pas eu d'autre choix que d'accepter cette nouvelle voie, c'est tout dire.
Pendant cette semaine la météo fut globalement exécrable, d'où la mauvaise qualité des photos. Pourtant une relative embellie a permis aux anglais de nous offrir une présentation à deux avions qui fut très appréciée, comme en témoignent les personnels grimpés sur les Mirage pour mieux profiter du spectacle.
Bref, les jours passaient mais les pièces n'arrivaient toujours pas pour le biplace qui restait cloîtré au fond du hangar de l'Accueil. La tension montait car les anglais ne se privaient pas de faire des tours de place arrière au 2/2 tandis que nos pilotes, eux, auraient bien aimé voler sur cette étrange machine qu'est le Harrier. Grosse frustration, donc. Et c'est seulement la veille du départ que les pièces arrivèrent enfin. Mais le temps de réparer et d'effectuer un vol de contrôle le soir était arrivé, et à la finale pas un seul français ne vola sur Harrier. Pas trop contents, les français…
Ajoutons à cela que dans l'après-midi un mécanicien anglais avait eu le goût douteux de peindre sur la dérive du Mirage IIIE N°425 / 2-EE une caricature de Harrier dans une attitude peu flatteuse pour la cigogne de la SPA 3, celle de Guynemer (il serait inconvenant de reproduire ici cette image en gros plan), il n'en fallait pas plus pour que l'ambiance devienne franchement tendue. L'affaire avait été très mal prise par le commandant de la SPA 3.
En parallèle un fait était passé inaperçu. Quatre Etendard IVM s'étaient posés dans l'après-midi pour faire les pleins, mais l'un d'entre eux eut un problème technique. Son pilote était un officier de la Fleet Air Arm britannique qui effectuait un échange d'un an dans l'Aéronavale. Le leader de la patrouille resta donc pour la soirée à Dijon avec son équipier tandis que les deux autres Etendard poursuivaient leur route.
Le soir était prévue au Mess Officiers une belle fête pour le départ des anglais comme le gérant de l'époque, l'ADC XXX, savait en organiser. Tout le monde en grande tenue, les femmes en tenue de soirée, bref, tout ça avait fière allure. Mais c'était sans compter avec le petit grain de sable qui parfois fait tout déraper. Lorsque nous sommes arrivés au bar nous y avons trouvé les deux pilotes d'Etendard en combinaison de vol (ils n'avaient pas prévu de passer la soirée à Dijon !), l'anglais étant déjà dans un état déjà passablement "avancé"… Pour tout dire, il buvait la bière dans une de ses bottes de vol…
Et, cerise sur le gâteau, il s'est avéré que ce pilote de la Fleet Air Arm était le camarade de promotion d'un des pilotes de Harrier. Chaleureuses retrouvailles, donc. Tellement chaleureuses même qui ce qui à l'origine devait être une soirée presque mondaine a assez vite dégénéré pour donner plutôt dans le côté paillard !
Les esprits s'échauffant il fut décidé de rendre aux anglais la monnaie de leur pièce. Le coup du Harrier peint sur la dérive du IIIE n'était vraiment pas passé… L'idée était donc à la base de faire subir le même sort au Harrier biplace qui pendant une semaine avait été l'objet da tant d'espoirs déçus.
Mais à la finale c'est l'avion entier qui a été repeint dans les tons de blanc et de rose en quelques heures (travail soigné, tous les orifices techniques et les marquages avaient été consciencieusement masqués par les mécaniciens). L'ennui, c'est que la peinture utilisée n'était pas une peinture à l'eau lavable mais une bonne peinture à l'huile bien grasse et bien tenace.
Au petit matin, le travail achevé, l'avion fut tracté sur le parking où les anglais le découvrirent avec stupeur en sortant du petit déjeuner. Une bonne partie du personnel de la Base était déjà là, hilare.
Réalisant qu'il était trop tard pour faire quoi que ce soit, le chef du détachement, très fair-play, rassembla son dispositif après le décollage au sud du terrain et nous avons eu droit à un passage en box impeccable, biplace rose en leader. Pour l'occasion, l'indicatif de la patrouille était "Pink" !
J'ai entendu dire que par la suite l'avion avait été retourné chez British Aerospace pour un décapage et une remise en peinture totale.
Peu de temps après cet échange la Base reçut du N°1 Sqn un courrier de remerciement particulièrement élogieux, indiquant que cet échange Escadrons avait été un pur plaisir, que jamais ils n'avaient été aussi bien reçus, etc, etc… mais (le fameux "but" britannique !!!) que si d'aventure un jour un pilote de Mirage venait à se poser à Wittering, il rentrerait… à pied !
Deux ans plus tard un autre échange eut lieu, cette fois-ci avec les Phantom du N°92 Sqn de Wildenrath. Faisait partie du détachement une section du RAF Regiment et les avions ont été gardés jour et nuit par des maîtres-chiens. Allez donc savoir pourquoi !
les pièces à conviction
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Dernière édition par Fabrice"ALF le Sam 12 Mar - 13:28, édité 2 fois